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mardi 6 mai 2014

J'ai rencontré « l'homme fort », entretien avec Stanislas Piotrowski, Barbarian Strongman

Stanislas Piotrowski
Stanislas Piotrowski, 24 ans, 1m98 pour 127kg, pratique le « strong », une discipline axée sur la force pure. Dans ce sport, les athlètes se mettent à rude épreuve dans des exercices qui allient force, vitesse et technique. Licencié en droit, désireux de s'orienter vers un diplôme en nutrition sportive, voici le portrait d'un homme fort dans son corps et dans sa tête.

Louis Cyr
Peux-tu nous présenter ta discipline, le « strong » ?
Ce sport remonte au 19e siècle. Il n'a pas une origine précise, on trouvait à l'époque des athlètes de force pure aussi bien en Europe que sur le continent Nord Américain. 

A l'origine, ces derniers montraient leurs performances dans des cirques. L'un des athlètes resté célèbre est Louis Cyr, qui fût réellement l'homme le plus fort du monde (certains de ces records n'ont toujours pas été battus).

Très peu démocratisée en France, cette discipline tend néanmoins à se développer grâce à quelques associations sportives qui se sont récemment créées. 

Pour décrire simplement ce sport, l'homme fort fait ce que tout le monde fait au quotidien, à une nuance près : dans nos exercices, au lieu de porter un livre, nous soulevons des poids un peu plus lourds. L'objectif est de réaliser toutes ces épreuves en un minimum de temps. Les charges que nous utilisons descendent rarement sous les 120kg.

Strongman 2014
Comment es-tu venu au « strong » ?
Comme beaucoup, j'ai découvert ce sport à la télévision. Originaire d'Europe de l'Est par mon père, où se sport est un peu plus populaire et médiatisé, c'est naturellement que je regardais ces épreuves à la télévision. D'ailleurs, certains d'entre vous ont peut être déjà regardé les épreuves de l'homme le plus fort du monde moderne, organisées sous le nom « World's strongest Man », compétition qui existe depuis les années 70. CBS, une chaîne de télévision américaine, est à l'origine de cet événement.

Même si je connaissais ce sport, compte tenu de ma taille, je me suis tout d'abord dirigé vers le basket. J'ai rapidement arrêté en raison d'un mauvais esprit d'équipe. 

Je suis venu au strong il y a quelques années, complètement par hasard. 

Certains se reconnaîtront peut être dans mon parcours car je fais partie de ceux qui ont toujours été méprisés par les autres depuis l'école. Il y avait les camarades de classe estimés et ceux que l'on préférait laisser au fond de la classe ou ne pas sélectionner dans un équipe lors d'un match. J'en ai beaucoup souffert et cela a fait naître une certaine rage en moi. C'est ce mépris des autres qui a été la source de ma force. Je ne regrette pas d'être passé par là car, au lieu de sortir chaque week-end, au lieu de faire n'importe quoi, j'ai consacré mon temps libre à m'entraîner et ce travail commence aujourd'hui à payer.

A cette époque, j'avais besoin de trouver un sport dans lequel je ne pensais à rien d'autre qu'à porter du lourd, à pousser du lourd et à tirer du lourd. Même si au départ j'avais de profonds doutes sur mes capacités à m'épanouir dans ce sport (en raison d'un manque flagrant de confiance en moi), cette discipline m'est apparue comme une évidence. Je n'avais ni la forme d'un athlète olympique, ni la force nécessaire, pourtant rien ni personne n'aurait pu me faire changer d'avis. Je me suis donc de plus en plus intéressé à ce sport. J'ai regardé pendant plusieurs semaines des vidéos sur les quelques athlètes qui pratiquent ce sport en France. Puis j'ai fini par mettre le pied à l'étrier. Je n'en suis plus jamais parti et je n'ai aucun regret.

Je pratique le strong depuis près de 2 ans et demi maintenant. Mes performances sur de nombreuses épreuves ont pas mal progressé, ce qui m'encourage à persévérer.

Zydrunas Savickas
Et qu'en est-il de ton image auprès des autres aujourd'hui ?
Aujourd'hui, les choses ont bien changé en effet. Je fais partie de ceux qu'on apprécie, mais je pense que si je n'avais pas acquis cette force, les choses n'auraient pas beaucoup évoluées. Le monde est comme ça et c'est bien triste. Beaucoup de gens préfèrent désormais m'avoir comme ami.

Dans mon entourage, on me qualifie de monstre, pas pour l'aspect péjoratif du terme mais pour mon côté hors norme. Il faut dire que j'effectue des entraînements hors du commun. Quand je m’entraîne chez moi, mes voisins sont quasiment toujours derrière leur fenêtre à regarder. Lorsque je tire des camions dans la rue (car je ne peux pas le faire dans mon jardin), beaucoup de passants s'arrêtent et applaudissent la performance. 

Pour ce qui est de mon évolution, je ne laisse plus indifférent. Les hommes forts (je préfère utiliser le français plutôt que l'anglicisme strongman) ont, en général, une image différente des bodybuilders car nous ne sommes pas jugés sur l'apparence mais sur la performance, même si certains gabarits peuvent sembler impressionnants (avec des poids atteignant parfois plus de 180kg au-delà d'1m90).

Barbarian Strong Man
Peux-tu nous parler de tes entraînements ?
Le hasard n'a pas sa place dans ce sport. Tout est strictement organisé. Dans le strong, tous les muscles sont importants. Je n'en néglige aucun. 

Il y a tout d'abord les entraînements en salle, avec des séances de force sur 6 à 8 semaines, puis des séances pour faire du volume, sur 3 à 4 semaines. Ces dernières séances sont importantes pour laisser reposer le système nerveux. 

Je suis deux entraînements en salle par semaine et par groupe musculaire. Le lundi, ce sont les pectoraux et les bras. Le mardi, ce sont le dos et les épaules, puis les trapèzes. Le mercredi, j'enchaîne sur les jambes, puis une heure de cardio (en endurance), ainsi que les abdos. Je répète cette routine du jeudi au samedi. 

Je consacre en général mes entraînements du lundi au mercredi à des exercices de force, en 5x5 à 90% de mon 1RM (charge qui me permet de faire une répétition au maximum). Les séances des jeudi, vendredi et samedi sont axées sur le volume, avec des séries de 8 à 10 répétitions, principalement pour laisser à mon organisme le temps de se reposer pour la séance du dimanche (consacrée au strong). A partir du jeudi, on peut dire que je fais de la récupération active. 

Tous les dimanches sont consacrés aux entraînements de strong (donc généralement 4 par mois). Les 3 premiers, je m'entraîne sur des charges modérées (75% de mon 1RM) et je fais un maximum de répétitions. Le 4e dimanche, je réévalue mes maximums.

300 kg

Quels sont les objectifs fixés par ces entraînements ?
Le but des exercices d'endurance que je pratique le mercredi et le samedi est d'arriver à me démarquer par la vitesse sur les différentes épreuves. C'est pour cette raison que j'y consacre 2 à 3 bonnes heures par semaine. Pour le reste, je consacre 12h par semaine au renforcement musculaire et 3h par semaine au strong (sur une seule séance, le dimanche).

Lors de mes séances, je travaille plus spécifiquement à développer la force des avant-bras, car ce sont les muscles des avant-bras qui pilotent les mains (il n'y a pas de muscles dans les doigts). Pour y parvenir, je m'entraîne notamment à plier des barres de fer (grâce à des chutes que je récupère sur des chantiers). Je m'exerce parfois à rouler des poêles à frire ou à déchirer des bottins. 

Il faut savoir que la force des mains est déterminante dans toutes les épreuves de strong. Contrairement aux sportifs en salles, qui préfèrent sculpter leurs abdos ou leurs pectoraux, je préfère travailler mes prises pour avoir le plus de force possible dans les mains. Avec une bonne prise, je n'ai pas à reposer les objets lourds pour les reprendre et je peux continuer mes épreuves. 

Le strong est aussi un sport très technique. Et pour tout ce qui concerne les techniques d'entraînement, je bénéficie de l'aide de nombreux d'athlètes internationaux et nationaux. Bien que les athlètes soient en concurrence lors des compétitions, ils se soutiennent mutuellement pendant les entraînements. Dans ce sport, nous sommes là pour avancer ensemble.

D'ailleurs, aucun des athlètes que j'ai rencontré ne m'a sous évalué ou fait comprendre que je n'étais pas fait pour la discipline. J'ai, dès le départ, été conseillé et aidé par tous. Désormais, je prends moi aussi plaisir à conseiller les personnes qui veulent se lancer. J'ai créé une association sportive, la Team Barbarian, et j'ai su donner le goût de ce sport à trois sportifs qui avaient déjà de bonnes performances en salle. Ils continuent aujourd'hui les entraînements avec moi.

John Pall Sigmarson
Avec de tels objectifs et de tels contacts, tu souhaites te lancer dans la compétition ?
Je pense pouvoir d'ici peu participer à des compétitions européennes, en Allemagne ou en Espagne, car il n'y a pas vraiment de championnat en France (la discipline n'étant pas réglementée chez nous, ni organisée en fédération, il n'y a pas de compétitions officielles).

En Allemagne, des compétitions sont organisées par la GFSA (German Federation of Strenght Athletes), une fédération d'athlètes de force pure. Le strong a fait l'objet d'une présentation cette année au FIBO, un salon international de fitness qui a lieu tous les ans en Allemagne. 

En tout cas, si je devais commencer par une compétition, ce serait le Laszlo Classic.

Atlas stones
En quoi consiste les épreuves de ces compétitions ?
Les épreuves peuvent varier d'une compétition à l'autre pour éviter de favoriser certains types de concurrents. Ainsi, s'il existe une vingtaine d'épreuves possibles, les compétitions portent en général sur une huitaine d'épreuves.

Mais il y a bien entendu des épreuves dites classiques, celles que l'on retrouve quasiment à chaque compétition : les boules d'atlas (boules de plus de 130kg que l'on doit mettre sur un support en hauteur), ou encore la marche du fermier (épreuve dans laquelle on doit parcourir une distance maximum en un minimum de temps avec un valise de plus de 140kg dans chaque main). Le tirage de bus est lui aussi souvent présent dans les épreuves (un Boeing remplace parfois le bus).  

Matériel utilisé pour la marche du fermier
As-tu des épreuves de prédilection ? Et d'autres que tu maîtrises moins ?
Comme tout athlète, il y a des exercices où je me sens particulièrement à l'aise et d'autres ou j'ai des difficultés. Aux entraînements, je privilégie donc les exercices où j'ai encore de grosses marges de progression. Ceux où je me sens plutôt à l'aise sont les suivants : 
- le porté de boules d'atlas ;
- le tirage de camions ;
- le tire flip (retournement de pneus de 400kg environ) ; 
- la marche du fermier ;
- le super yoke ; 
- le dumbbell press (environ 85kg maximum) ;
- le husafell stone (je m'entraîne avec une ancre de bateau, le principe est le même) ;
- le car deadlift.

Par contre, les exercices ou je dois encore progresser sont les suivants :
- le tronc (développé épaule d'un tronc d'arbre) où je stagne à environ 135kg ;
- la croix de fer (je peux tenir une cinquantaine de seconde avec deux poids de 10kg) ; 
- la prise d'hercule (je manque de force dans les mains) ;
- le Keg Toss, épreuve où il faut jeter des poids à plusieurs mètres de hauteur.

Magnus Ver Magnusson
As-tu des modèles dans cette discipline ?
Bien entendu. Tout d'abord Louis Cyr, dont j'ai déjà parlé, et qui a marqué l'histoire du strong. Pour l'anecdote, il faut savoir qu'une de nos épreuves, le circus dumbbell (littéralement haltères de cirque), est souvent renommée the Cyr dumbbell. L'objectif de cette exercice est d'épauler puis de développer à une main, et au dessus de la tête, un haltère de 124kg (274 lbs).

J'aime également beaucoup les athlètes comme Magnus Ver Magnusson, John Pall Sigmarson, ou Bill Kazmaier. Concernant les athlètes actuels, Marius Pudizanowski et Zydrunas Savickas sont en quelque sorte mes modèles.

Matériel utilisé pour le car deadlift
J'ai remarqué sur une de tes vidéos des appareils d'entraînement peu communs. Comment trouves-tu ces appareils ? Est-ce que tu les crées toi-même ? 
Oui. Je fabrique moi-même la plupart de mes appareils. Moi qui, étant gamin, m'étais juré de ne jamais faire de travaux manuels car je trouvais ça dégradant, j'ai dû apprendre à souder !

J'ai donc réalisé la plateforme pour le soulevé de véhicule (car deadlift), mais aussi le « super yoke » (le porteur) et les valises. J'ai réalisé les boules d'Atlas à partir de moules commandés sur un site de force. Pour les pneus de tracteur (de 250 à 400kg), je les récupère dans la benne d'une enseigne spécialisée avant qu'ils ne partent à la décharge (je contribue en quelque sorte à préserver l'environnement en les recyclant).

Tout le matériel me reviendrait normalement à 4 000 euros à l'achat. Comme je conçois tout moi-même, je n'ai déboursé que le prix des matériaux soit environ 600 euros, auxquels s'ajoutent 350 euros pour les poids (plus de 400kg) commandés sur un site spécialisé.

Light, ce midi

Suis-tu également un régime particulier ?
La diète, bien que moins restrictive que pour un bodybuilder, reste très élaborée car il me faut les bons nutriments dans les bonnes proportions. 

Même si en tant que « strongman » le taux de masse grasse importe peu, j'essaie globalement de réduire ce taux et de prendre en muscle sec, mais c'est un travail sur le long terme. Mon idéal serait d'atteindre un poids de 150kg. Je ne sais pas si c'est possible naturellement, quoi qu'il en soit j'irai au bout de mes limites génétiques et le travail est encore long pour atteindre ce niveau. 

Je fais 3 repas et 3 collations par jour. Je mange environ 400g de protéines par jour (300g issus de l'alimentation, 100g issus de protéines en poudre). Je complète la protéine en poudre par une matrice d'acides aminés essentiels pour soutenir la synthèse des protéines. 

De temps à autre, il m'arrive de faire des cures de créatine (je privilégie la Kre-alkalyn, car les autres types de créatine se transforment en déchet avant d'avoir accompli le travail que l'on attend du produit). Je ne prends rien d'autre. 

Je prends également 120g de lipides et environ 500g des glucides par jour. 

Pour ma diète, j'ai la chance d'avoir une ex compagne nutritionniste. Auparavant, j'avais le privilège d'être suivi sur le plan nutritionnel par Nathalie Camou, que je tiens à saluer d'ailleurs.

Préparation d'une séance de strong
Quels conseils pourrais-tu donner à une personne qui voudrait se lancer dans ce sport ?
Tout le monde ne peut pas se lancer car ce sport requiert un niveau minimum indispensable en musculation. En effet, un homme fort ne travaille pas avec des charges inférieures à 120kg. Avant de commencer cette discipline, il faut déjà pouvoir déplacer un tel poids. 

Pour ceux qui voudraient débuter, je leur conseillerai de se concentrer tout d'abord sur la musculation. Ciblez les exercices qui développent la force et laissez les machines à poulies au second plan. Squat, développé militaire, soulevé de terre, développé couché, vous devez privilégier les exercices où seuls vos membres feront le mouvement, sans aucun autre artifice. 

Attention toutefois car beaucoup de sportifs pensent qu'ils déplacent réellement la charge inscrite sur la machine. Cependant, lorsqu'un sportif travaille sur une charge de 100kg, le jeu des poulies diminue largement la masse vraiment supportée par celui-ci. 

Par contre, ceux qui ont déjà un bon niveau en musculation sont les bienvenus. Mais, il n'y a pas de secrets, vous allez devoir faire comme tout le monde et vous entraîner en musculation jusqu'à ce que vous ayez un minimum de performance.

Stanislas
Pour te rencontrer, solliciter tes conseils, ou tout simplement te soutenir le moment des compétitions venu, comment faire ?
Rien de plus simple, il est tout d'abord possible de suivre l'association que je préside, Barbarian Strongman, sur notre page facebook (https://www.facebook.com/TeamBarbarian) ou encore de me contacter sur le site internet www.barbarian-strongman28.fr (à la rubrique contact).

Il est également possible de me suivre directement sur mon profil facebook (en tapant Stanislas Piotrowski).

Je vous invite également à assister aux démonstrations, ou à me rencontrer lors de l'événement « Strongman 2014 », organisé le dimanche 15 juin à 15h, devant le gymnase Marcel Cerdan, à Neuilly-sur-Marne (93).

Barbarian Strong Man
Merci encore pour cet entretien. Pour terminer, le mot de la fin ?
Je voudrais simplement dire ceci : qui que l'on soit, quelle que soit sa condition de départ (physique, sociale...) et quel que soit le point où l'on veut arriver (en terme de condition physique, d'ambition professionnelle...), il ne faut jamais laisser rien, ni personne nous mettre des bâtons dans les roues. 

Trop de personnes se laissent persuader par un tiers qu'elles ne pourront pas le faire, parce que tel autre n'a pas réussi. Éloignez de vous les personnes ayant des pensées négatives à votre égard, celles qui vous décourageront. Vous n'avez rien à prouver à personne. Les seules limites que vous devez dépasser sont vos propres limites... Et vous avez la vie pour cela.

Article rédigé par Jérôme - Paris

Pour me contacter : manager@gregory-capra.com

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